الاثنين، 1 أغسطس 2011

Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:57-58 ? Masson, Paris, 2006

Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:57-58
? Masson, Paris, 2006










Correspondance :
I. Loeb,
Service de Stomatologie et Chirurgie
Maxillo-faciale (Pr J. Van Reck),
CHU Saint-Pierre,
129, boulevard de Waterloo,
1000 Bruxelles, Belgique.
isabelleloeb@yahoo.fr
Images








Présentation inhabituelle d’une pathologie courante

I. Loeb, M. Shahla

Service de Stomatologie et Chirurgie Maxillo-faciale (Pr J. Van Reck), CHU Saint-Pierre, Bruxelles, Belgique.



U    n patient âgé de 80 ans, d’origine marocaine, est
admis dans le département de chirurgie maxillo-
faciale, pour des lésions faciales et buccales très dou-   


orbitaire, pré-auriculaire, paranasale et commissurale, les hémi-
lèvres supérieure et inférieure avec la région mentonnière, l’hémi-
palais, la joue et l’hémi-langue droits (fig. 2 et 3). Le conduit auditif
loureuses, évoluant depuis environ une semaine.
La biologie exprime un syndrome inflammatoire.
L’examen clinique montre la présence d’un érythème hémifacial
droit recouvert de lésions de type « vésicules » à différents stades
d’évolution (fig. 1). Ces lésions évoluent sur l’ensemble du terri-
toire du nerf trijumeau droit, à savoir : les régions temporale, sous-
externe est respecté ainsi que la paupière supérieure. On note
également la présence d’adénopathies cervicales unilatérales.
Dans les antécédents de ce patient on retrouve une bronchop-
neumopathie chronique obstructive, un diabète insulino-
dépendant équilibré, une cardiomyopathie ischémique et un
syndrome du tako-tsubo.



1



















Figure 1. Patient vu de profil.
Figure 2. Lésions hémi-langue droite.
Figure 3. Lésions palais et joue droits.



Quel est votre diagnostic ?



2



3































57


I. Loeb, M. Shahla




Réponse

Il s’agit d’un zona du nerf trijumeau entreprenant ses trois
branches.
Le nerf trijumeau, sensitivo-moteur, anime les muscles de la
mastication et donne la sensibilité à la face, l’orbite, les fosses
nasales et la cavité buccale. Les fibres sensitives prennent nais-
sance dans le ganglion de Gasser.
Le nerf trijumeau se compose de trois branches : ophtalmique,
maxillaire supérieur et mandibulaire. C’est la branche ophtal-
mique qui est la plus fréquemment atteinte en cas de zona. S’il
est habituel de retrouver une atteinte zostérienne trigéminale
d’une ou deux branches du nerf, l’atteinte simultanée des trois
branches est exceptionnelle.
Le zona est une infection localisée, unilatérale, due à la réacti-
vation du virus de la varicelle, « varicelle-zoster » (VZ), virus à
DNA [1]. Cette affection se rencontre plus fréquemment chez
les sujets âgés ou immunodéprimés, sans prédilection de sexe
ou de race.
L’éruption vésiculeuse est habituellement précédée de dou-
leurs, parfois intenses, allant d’un simple prurit à de véritables
sensations de brûlures. Le patient se plaint parfois avant
l’apparition des lésions cutanéo-muqueuses, de paresthésies
ou hyperesthésies dans le territoire du dermatome concerné.
Les signes généraux accompagnateurs sont peu fréquents :
malaise, céphalées ou encore pyrexie [2].
Les adénopathies réactionnelles unilatérales sont habituelles.
Les vésicules apparaissent le plus souvent groupées et évo-
luent sur un fond érythémateux. Elles se rompent au bout
d’une dizaine d’heures, et laissent la place à une petite ulcéra-
tion rapidement recouverte d’une croûte qui peut persister
plusieurs semaines. De nouvelles vésicules peuvent apparaître
pendant plusieurs jours ce qui explique le tableau clinique
classique de lésions cutanéo-muqueuses à différents stades
d’évolution.
Le diagnostic, principalement clinique, peut être confirmé
par l’isolement du virus à partir des fluides des vésicules (cul-
ture ou immunofluorescence) ou encore par des tests sérolo-
giques.

Figure 2 : Histologie (HES X 25). Epithélium d’aspect normal, les nodules étant constitués de multiples filets nerveux entourés d’un périnèvre épaissi.

Figure 2 : Histologie (HES X 25). Epithélium d’aspect normal, les nodules
étant constitués de multiples filets nerveux entourés d’un périnèvre
épaissi.


Réponse

Les nodules observés, de petite taille, sont localisés, cir-
conscrits et font évoquer d’emblée des tumeurs bénignes.
Les diagnostics évoqués ont été fibromes, verrues, neuro-
fibromes ou fibro-xanthomes. Les verrues et neurofibro-
mes paraissaient peu probables en absence de lésions
cutanées associées ou de contexte d’immuno-dépression
pouvant justifier la présence de multiples lésions buccales
à human papilloma virus (hpv).
Cinq nodules de la pointe de la langue ont été enlevés
sous anesthésie locale et adressés à l’anatomopatholo-
giste    (fig. 2). Le compte-rendu note un épithélium
d’aspect normal, les nodules étant constitués de multiples
filets nerveux entourés d’un périnèvre épaissi. Ce carac-
tère permet d’exclure le diagnostic de névromes solitaires.
Le diagnostic retenu est celui de névromes myéliniques,
évoquant une maladie héréditaire pouvant associer ce
tableau à un cancer médullaire thyroïdien. Lors de la con-


Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac.

sultation de contrôle, la patiente confirme ce diagnostic,
aboutissement de l’exploration signalée. Elle est prise en
charge en endocrinologie pour complément de bilan et
traitement.
L’association d’une neurofibromatose de von Reclin-
ghausen et d’un phéochromocytome est relativement
courante, mais les névromes muqueux multiples sont tou-
jours associés aux signes cutanés de cette maladie, et la
distribution des lésions muqueuses est différente. L’asso-
ciation de multiples neurofibromes muqueux à un phéo-
chromcytome et à un carcinome médullaire thyroïde fait
partie des syndromes des néoplasies endocrines multiples
(« multiple endocrine neoplasia syndrome » ou « MEN
syndrome »). Trois types différents sont actuellement dis-
tingués. Le cas présenté correspond au IIb associant à la
triade décrite une hyperplasie des nerfs cornéens. Habi-
tuellement, les névromes muqueux apparaissent long-
temps avant les pathologies malignes associées dans ces
syndromes, ce qui présente un réel intérêt de dépistage.
L’étio-pathogénie de ces multiples néoplasies endocri-
nes s’explique par un trouble métabolique survenant lors
de la migration des cellules d’origine neuro-ectodermique
à partir des crêtes neurales, les unes se différenciant en
cellules glandulaires, les autres en tissus nerveux.

REFERENCES
1. Jain S, Watson MA, DeBenedetti MK, Hiraki Y, Moley JF,
Milbrandt J. Expression profiles provide insights into early malig-
nant potential and skeletal abnormalities in multiple endocrine
neoplasia type 2B syndrome tumors. Cancer Res, 2004;64:
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plasia, type IIb. Dermatologica, 1981;162:292-9.
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multiple endocrine neoplasia. Medicine, 1975;54: 89-112.

Il s’agit d’un patient de 45 ans qui présentait une papillomatose buccale étendu


Il s’agit d’un patient de 45 ans qui présentait une papillomatose
buccale étendue au palais et à l’épiglotte qui est complètement
envahie et infiltrée obstruant l’accès à l’orifice glottique (fig. 1).
Après une simple laryngoscopie, la glotte est visualisée avec diffi-
culté et peut être intubée (fig. 2).
Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2004; 105, 4, 235-236
© Masson, Paris, 2004.


Pathologie de la muqueuse buccale

L. Ben Slama


Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale,Hôpital de la Salpêtrière, 45, Bd de l’Hôpital, 75013 Paris.
Tirés à part : L. Ben Slama, Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale, Hôpital Tenon, 4 rue de Chine, 75020 Paris.



CAS No 1
IMAGES















Figure 1 : Lésions gingivales évoluant depuis plusieurs mois.

Un homme de 34 ans consulte à la demande d’un con-
frère hospitalier pour traitement de lésions gingivales évo-
luant depuis plusieurs mois, augmentant progressivement
de volume, devenant douloureuses et saignotant lors du
brossage. Le patient a bénéficié deux ans auparavant
d’une greffe rénale ayant entrainé la prise de Mycophéno-
late mofétil (Cellcept® 750 mg/j), Prednisone (Cortancyl®
10 mg/j) et Ciclosporine (Néoral® 150 mg/j). L’examen cli-
nique confirme la présence d’une hypertrophie gingivale
localisée dans le seul secteur antérieur des maxillaires.
Celle-ci est par endroits inflammatoire, associée à la pré-
sence de plaque dentaire.


Quel est votre diagnostic ?

















235




































236


L. Ben Slama

Réponse

Le diagnostic dans ce cas est relativement simple : il s’agit
d’une hypertrophie gingivale liée à la prise de ciclosporine.
Elle atteint essentiellement les papilles inter-dentaires, qui
sont de couleur rose pâle et de consistance ferme. Sa fré-
quence est variable, de 15 à 80 %. Elle apparaît 3 à
4 mois après le début du traitement, mais parfois plus tôt
ou beaucoup plus tard, avec une intensité dépendante de
la dose. La mauvaise hygiène bucco-dentaire joue un rôle
important.
L’hypertrophie gingivale se caractérise histologiquement
par une hyperplasie du tissu conjonctif et des vaisseaux et
l’association d’une fibrose et d’infiltrats inflammatoires
lympho-plasmocytaires.
Il n’y a pas lieu de réaliser une biopsie préalable, la con-
firmation histologique pouvant être apportée lors de l’exa-
men de la pièce d’exérèse.
Dans ce cas précis, le traitement a consisté d’abord en
l’élimination mécanique de la plaque dentaire, suivie de
deux cures d’azithromycine (Zithromax® 250 mb, 2 cps/j
pendant 3 j, arrêt une semaine puis reprise selon le même
mode, hors AMM). Ceci a entraîné une réduction de près
de 50 % de l’hypertrophie gingivale. En raison de la gêne
fonctionnelle et esthétique, une gingivectomie au bistouri


Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac.

électrique a été réalisée sur le volume excédentaire rési-
duel.
La récidive étant inéluctable si la ciclosporine est conti-
nuée à la même posologie, une recommandation de dimi-
nution de la posologie avec suppléance par d’autres
immunodépresseurs, dans la mesure du possible, a été
faite au prescripteur. Le patient a été incité à une hygiène
plus rigoureuse.

REFERENCES
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2. Salard D, Parriaux N, Derancourt C, Aubin F, Bresson-Hadni S,
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4. Pisanty S, Rahamim E, Ben-Ezra D, Shoshan S. Prolonged sys-
temic administration of cyclosporin A affects gingival epithe-
lium. J Periodontol, 1990;61:138-41.
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6. Seymour RA, Smith DG. The effect of a plaque control pro-
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gingival changes. J Clin Periodontol, 1991;18:107-11.
Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2004; 105, 4, 237-238
© Masson, Paris, 2004.


Pathologie de la muqueuse buccale

L. Ben Slama



Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale,Hôpital de la Salpêtrière, 45, Bd de l’Hôpital, 75013 Paris.
Tirés à part : L. Ben Slama, Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale, Hôpital Tenon, 4 rue de Chine, 75020 Paris.



CAS No 2
IMAGES

















Figure 1 : Multiples nodules de 4 à 5 mm de diamètre au niveau de la
pointe et des bords marginaux de la langue et de la lèvre supérieure.

Une jeune fille de 21 ans se présente à la consultation
avec de multiples nodules de 4 à 5 mm de diamètre au
niveau de la pointe et des bords marginaux de la langue
et de la lèvre supérieure, apparus en quelques semaines,
occasionnant une gêne discrète à l’élocution. Le reste de
l’examen clinique est normal, en particulier, il n’y a pas de
lésion cutanée notable. Un bilan biologique réalisé en ville
est normal, incluant une sérologie VIH 1 et 2 négative.
Dans les antécédents, la patiente signale un phéochromo-
cytome surrénalien diagnostiqué et traité 2 ans aupara-
vant. Un nodule thyroïdien récemment découvert est en
cours d’exploration.


Quel est votre diagnostic ?









septembre 2005 • tome 34 • n°15 S.Abi Najm, S. Lysitsa, J.-P. Carrel, P. Lesclous, T. Lombardi, J. Samson


10 septembre 2005 • tome 34 • n°15
S.Abi Najm, S. Lysitsa, J.-P. Carrel, P. Lesclous, T. Lombardi, J. Samson




plication éventuelle et éliminer les facteurs favorisants
potentiels. Les interventions de chirurgie implantaire doi-
vent être également déconseillées aux sujets en cours de
traitement23ou ayant été traités récemment. Une mise
en état de la denture (soins d’hygiène et élimination des
foyers infectieux bucco-dentaires, traitement des caries,
contrôle de l’adaptation des prothèses amovibles)
devrait être réalisée systématiquement a?n de limiter les
interventions et les soins dentaires pendant le traite-
ment. Lorsqu’un foyer d’ostéonécrose est apparu, il
semble judicieux de procéder, sans trop tarder, à l’abla-
tion de l’os nécrosé. C’est la meilleure façon de suppri-
mer l’exposition osseuse car sa persistance favorise l’in-
fection et entraîne une augmentation probable de la
taille du séquestre. ?




12 Ruggiero SL, Mehrotra B, Rosenberg TJ. Osteonecrosis of the jaws
associated with the use of bisphosphonates: a review of 63 cases.
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21 Nyman JS, Yeh OC, Hazelwood SJ, Martin RB. A theoretical analysis of long-
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microdamage. Bone 2004; 35: 296-305.
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Figure 2 Orthopantomogramme (cas n° 2) : perte spontanée de la deuxième molaire inférieure avec exposition progressive de la table interne de la mandibule.

Figure 2    Orthopantomogramme (cas n° 2) : perte spontanée de la deuxième molaire
inférieure  avec exposition progressive de la table interne de la mandibule.














Figure 3    Examen tomodensitométrique (cas n° 3) : lyse osseuse dans la région
de la première molaire supérieure droite 6 mois après l’extraction, accompagné
d’une sinusite chronique homolatérale.



La Presse Médicale -  1075
 © DR © DR © DRC A S    C L I N I Q U E
Ostéonécrose des maxillaires chez des patients traités
par bisphosphonates


La modi?cation de la posologie des bisphosphonates
après l’apparition d’une ostéonécrose ne peut pas avoir
une incidence favorable immédiate sur l’évolution de la
lésion: en effet, les bisphosphonates absorbés n’ayant pas
été métabolisés, ils continuent à agir probablement
encore longtemps après l’arrêt du traitement ; à titre
d’exemple, la demi-vie osseuse de l’alendronate varie
entre 1 à 10 ans selon le turn-over osseux20.
La physiopathologie de ces ostéonécroses n’est pas
totalement élucidée et plusieurs hypothèses sont évo-
quées. Les bisphosphonates agissent sur les ostéo-
clastes et provoquent une diminution du remodelage
osseux, donc une augmentation de la minéralisation
osseuse21et, secondairement, une diminution de la
vascularisation osseuse comme dans toute affection
ostéo-condensante. L’effet anti-angiogénique, propre
aux aminobisphosphonates (principalement le zolé-
dronate)5, pourrait participer à la diminution de la
vascularisation. Les ostéonécroses sont donc très cer-
tainement d’origine ischémique et, comme les bis-
phosphonates ne sont pas métabolisés, le degré de
minéralisation et d’ischémie est sans doute en rap-
port direct avec la dose cumulée.
D’autres facteurs, hormis ceux évoqués ci-dessus, ont
peut être un rôle pour expliquer la localisation exclu-
sive aux maxillaires. Dans les cas publiés, on trouve
peu de précisions sur les raisons qui ont motivé les
extractions dentaires qui, pour la plupart des auteurs,
Figure 4    Scintigraphie osseuse au Tc 99m (cas 1) montrant plusieurs
foyers hypercaptants. Cet examen ne permet pas de différencier
la nature des foyers : les foyers costaux font suspecter une origine
tumorale, celui du maxillaire correspond à l’in?ammation induite
par l’ostéonécrose étendue ; cette in?ammation touche même
le sinus maxillaire gauche.
auraient déclenché le processus d’ostéonécrose. Le
plus souvent, il semble plutôt s’agir d’un accident
infectieux ou inflammatoire, favorisé par l’ostéoné-
crose; dans cette hypothèse, l’extraction dentaire révé-
lerait l’existence de l’ostéonécrose et elle n’en serait
donc pas la cause directe.
La présence d’une dent avec une atteinte
parodontale – ce qui signifie l’existence
d’une solution de continuité de la
muqueuse – favorise la contamination, à
partir de la ?ore buccale, de l’os en voie de
nécrose et cette contamination pourrait
même participer à l’apparition et l’exten-
sion du processus de nécrose.
Comme dans la plupart des cas publiés,
le traitement comportait aussi une chi-
miothérapie et/ou une radiothérapie ;
certains auteurs en ont déduit que les
bisphosphonates joueraient seulement le
rôle de co-facteur19. Cette hypothèse
étiopathogénique ne permet pas d’expli-
quer les cas où on ne retrouve pas cette
Figure 5    Séquestre osseux d’aspect caractéristique (cas n° 1) : les travées, à bords
irréguliers, présentant un remaniement ostéoclasique sans ostéoclastes ; les logettes
ostéocytaires sont vides et, par endroits, on observe des amas de germes.

1076    - La Presse Médicale
association thérapeutique (par exemple,
le troisième et le huitième cas dans notre


10 septembre 2005 • tome 34 • n°15
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série). Il semble que l’ostéonécrose résulte princi-
palement d’une augmentation excessive de la miné-
ralisation secondaire à une dose accumulée de bis-
phosphonates trop importante. Il serait donc sou-
haitable d’entreprendre des investigations complé-
mentaires pour préciser le mode d’action et la demi-
vie des bisphosphonates, afin de trouver la posolo-
gie la mieux adaptée pour chaque patient et/ou
pour chaque affection. Enfin, tant que les méca-
nismes physiopathologiques de cette ostéonécrose
ne seront pas mieux connus, on ne pourra pas
s’empêcher de faire un parallèle avec l’ostéonécrose
des maxillaires due à la toxicité du phosphore22.
En attendant ces précisions, avant de prescrire des bis-
phosphonates, le patient doit être informé de cette com-


Références

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necrosis of the jaws: a growing epidemic. J Oral Maxillofac Surg 2003; 61:
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Tableau 1 le traitement de la nécrose aseptique de la hanche 10

Tableau 1



le traitement de la nécrose aseptique de la hanche    10
,   
du syndrome Sapho4, etc. Ils contribuent à traiter les
symptômes liés à ces différentes affections et ils sont
souvent prescrits au long cours, surtout en carcino-
logie. L’ostéonécrose des maxillaires, secondaire à la
prise de bisphosphonates, est une complication
décrite récemment dans la littérature11-17.
En 12 mois, 9 cas d’ostéonécrose ont été découverts
dans la division de stomatologie, de chirurgie orale et
radiologie dento-maxillo-faciale de la Faculté de Méde-
cine de Genève.

Observations

Le premier patient (cas n°1) avait une ostéonécrose
maxillaire, secondaire à la prise de bisphosphonates.
Venu consulter pour une infection d’origine dentaire,
le tableau clinique s’est avéré atypique et l’os alvéo-
laire périradiculaire semblait nécrosé. Après extrac-
tion des 2 dents causales qui étaient les seules dents
maxillaires restantes, l’évolution n’a pas été favorable
et on a observé une exposition osseuse s’étendant


progressivement. Elle a nécessité la réalisation d’une
maxillectomie subtotale; l’examen histopathologique
a con?rmé le diagnostic d’ostéonécrose.
En 12 mois, 8 autres cas ont été observés.
Ces 9 patients étaient 3 hommes et 6 femmes dont
l’âge était compris entre 45 et 85 ans (âge moyen
73 ans) (tableau 1). Les bisphosphonates ont été
prescrits pour le traitement des affections suivantes:
myélome multiple, cancer du sein, adénocarcinome
prostatique, ostéoporose. Dans ces 9 cas, on a observé
12 foyers d’ostéonécrose dont les localisations étaient
les suivantes : 7 atteintes mandibulaires (dont une
double localisation), 3 maxillaires et 1 bimaxillaire.
Cinq foyers d’ostéonécrose sont apparus après une
extraction dentaire, 1 après ablation d’implants den-
taires et 6 spontanément.
Cliniquement, l’atteinte osseuse ressemblait plus à
une ostéoradionécrose qu’à une ostéomyélite: expo-
sition osseuse, spontanée ou provoquée, le plus sou-
vent après extraction dentaire, sans aucune tendance
à guérir spontanément car le séquestre ne se détache
pas et l’atteinte osseuse semble s’étendre (?gure 1).
Caractéristiques des 9 cas d’ostéonécrose des maxillaires
Sexe    Indication    Bisphosphonate    Posologie


Voie


Durée


Siège et étiologie


Nombre
Cas    et âge
(ans)
du traitement
prescrit
d’administration    du traitement
(mois)
de la nécrose
de foyers
1


2


3

4


5

6



7
H
67

H
45

F
70
F
75

F
68
F
85


H
81
Myélome
multiple

Ostéoporose
cortisonique

Carcinome
du sein
Myélome
multiple

Myélome
multiple
Cancer
du sein


Adénocarcinome
de la prostate
Pamidronate
puis
Zolédronate
Pamidronate
puis
Zolédronate
Pamidronate

Pamidronate
puis
Zolédronate
Pamidronate

Pamidronate



Zolédronate
90 mg/mois

4 mg/mois
30 mg/3mois

4 mg/mois
90 mg/mois

90 mg/mois

4 mg/mois
90 mg/mois

90 mg/mois



4 mg/mois
IV

IV
IV

IV
IV

IV

IV
IV

IV



IV
23


79


30

33


34

24



25
Maxillaire
post-extraction

Mandibulaire
spontanée

Maxillaire
post-extraction
Mandibulaire
bilatérale
spontanée
Mandibulaire
post-extraction
Mandibulaire
post-extraction
Maxillaire
spontanée
Mandibulaire
spontanée
1


1


1

2


1

2



2
8


9
F
83

F
84 ans
Ostéoporose
post-
ménopausique
Ostéoporose
cortisonique
Alendronate    70 mg/semaine


Alendronate    70 mg/semaine
Per os


Per os
44


25
Mandibulaire
post-explantation

Maxillaire
post-extraction
1


1

IV: injection par voie intra-veineuse.

1074    - La Presse Médicale



10 septembre 2005 • tome 34 • n°15





Le bilan radiologique comporte systématiquement un
orthopantomogramme (?gure 2), parfois un examen
tomodensitométrique (figure 3), une scintigraphie
osseuse (?gure 4).
Dans chaque cas, l’examen histopathologique a
confirmé le diagnostic de nécrose osseuse ; aucune
cellule tumorale n’a été observée (figure 5) lorsque
le traitement avait été prescrit pour une tumeur
maligne.
Dans tous les cas, on a réalisé une séquestrectomie
après une antibiothérapie (amoxicilline 750 mg 3xj-1
et métronidazole 250 mg 3xj-1) de 7 à 10 jours en
moyenne, temps nécessaire pour obtenir une cicatri-
sation muqueuse suffisante.

Commentaires

Les bisphosphonates, molécules utilisées depuis les
années 1970, constituent un progrès thérapeutique
important pour le traitement de la maladie de Paget18,
de l’ostéoporose6,7et des tumeurs osseuses ostéoly-
tiques8,9. Ils réduisent de façon importante (de 20 à
60 % selon les auteurs) la fréquence des manifesta-
tions liées à l’atteinte osseuse, en diminuant les dou-
leurs, les fractures pathologiques, les compressions
radiculaires ou médullaires et les épisodes d’hyper-
calcémie8. Leurs indications sont de plus en plus
vastes et on estime que 2,5 millions de patients ont
été traités par pamidronate et zolédronate depuis leur
mise sur le marché19.
La Food and Drug Administration (FDA) a donné l’au-
torisation de mise sur le marché (AMM) au pamidro-
nate en 1994, pour le zolédronate en 2001; en France,
les AMM ont été obtenues quelques mois plus tard.
Les maxillaires semblent les seules str uctures
osseuses touchées; ceci pourrait s’expliquer par une
continuité de la muqueuse de recouvrement qui met-
trait en relation l’os avec le milieu septique de la
cavité buccale.
Le développement de l’ostéonécrose survenait après
un acte chirurgical, le plus souvent une extraction
dentaire, ou de façon apparemment spontanée. Le
traitement proposé dépend de la localisation des
lésions et de leur dimension.
Aucun cas n’a été traité par oxygénothérapie hyper-
bare dont l’efficacité semble aléatoire14,16.
Les limites du séquestre sont difficiles à évaluer car
l’os “sain” périphérique apparaît très remanié et peu
vascularisé; si la séquestrectomie est insuffisante, l’ex-
position osseuse persiste ou récidive. Sauf contre-indi-
cations d’ordre général, il n’y a aucune raison de lais-
ser évoluer un foyer d’ostéonécrose.


10 septembre 2005 • tome 34 • n°15
S.Abi Najm, S. Lysitsa, J.-P. Carrel, P. Lesclous, T. Lombardi, J. Samson























Figure 1    Ostéonécrose dans la région maxillaire antérieure (cas n° 1) : exposition
osseuse qui s’est étendue progressivement après l’extraction de deux dents restantes
et ayant nécessité la réalisation d’une maxillectomie subtotale.



Tableau 1 le traitement de la nécrose aseptique de la hanche 10

Tableau 1



le traitement de la nécrose aseptique de la hanche    10
,   
du syndrome Sapho4, etc. Ils contribuent à traiter les
symptômes liés à ces différentes affections et ils sont
souvent prescrits au long cours, surtout en carcino-
logie. L’ostéonécrose des maxillaires, secondaire à la
prise de bisphosphonates, est une complication
décrite récemment dans la littérature11-17.
En 12 mois, 9 cas d’ostéonécrose ont été découverts
dans la division de stomatologie, de chirurgie orale et
radiologie dento-maxillo-faciale de la Faculté de Méde-
cine de Genève.

Observations

Le premier patient (cas n°1) avait une ostéonécrose
maxillaire, secondaire à la prise de bisphosphonates.
Venu consulter pour une infection d’origine dentaire,
le tableau clinique s’est avéré atypique et l’os alvéo-
laire périradiculaire semblait nécrosé. Après extrac-
tion des 2 dents causales qui étaient les seules dents
maxillaires restantes, l’évolution n’a pas été favorable
et on a observé une exposition osseuse s’étendant


progressivement. Elle a nécessité la réalisation d’une
maxillectomie subtotale; l’examen histopathologique
a con?rmé le diagnostic d’ostéonécrose.
En 12 mois, 8 autres cas ont été observés.
Ces 9 patients étaient 3 hommes et 6 femmes dont
l’âge était compris entre 45 et 85 ans (âge moyen
73 ans) (tableau 1). Les bisphosphonates ont été
prescrits pour le traitement des affections suivantes:
myélome multiple, cancer du sein, adénocarcinome
prostatique, ostéoporose. Dans ces 9 cas, on a observé
12 foyers d’ostéonécrose dont les localisations étaient
les suivantes : 7 atteintes mandibulaires (dont une
double localisation), 3 maxillaires et 1 bimaxillaire.
Cinq foyers d’ostéonécrose sont apparus après une
extraction dentaire, 1 après ablation d’implants den-
taires et 6 spontanément.
Cliniquement, l’atteinte osseuse ressemblait plus à
une ostéoradionécrose qu’à une ostéomyélite: expo-
sition osseuse, spontanée ou provoquée, le plus sou-
vent après extraction dentaire, sans aucune tendance
à guérir spontanément car le séquestre ne se détache
pas et l’atteinte osseuse semble s’étendre (?gure 1).
Caractéristiques des 9 cas d’ostéonécrose des maxillaires
Sexe    Indication    Bisphosphonate    Posologie


Voie


Durée


Siège et étiologie


Nombre
Cas    et âge
(ans)
du traitement
prescrit
d’administration    du traitement
(mois)
de la nécrose
de foyers
1


2


3

4


5

6



7
H
67

H
45

F
70
F
75

F
68
F
85


H
81
Myélome
multiple

Ostéoporose
cortisonique

Carcinome
du sein
Myélome
multiple

Myélome
multiple
Cancer
du sein


Adénocarcinome
de la prostate
Pamidronate
puis
Zolédronate
Pamidronate
puis
Zolédronate
Pamidronate

Pamidronate
puis
Zolédronate
Pamidronate

Pamidronate



Zolédronate
90 mg/mois

4 mg/mois
30 mg/3mois

4 mg/mois
90 mg/mois

90 mg/mois

4 mg/mois
90 mg/mois

90 mg/mois



4 mg/mois
IV

IV
IV

IV
IV

IV

IV
IV

IV



IV
23


79


30

33


34

24



25
Maxillaire
post-extraction

Mandibulaire
spontanée

Maxillaire
post-extraction
Mandibulaire
bilatérale
spontanée
Mandibulaire
post-extraction
Mandibulaire
post-extraction
Maxillaire
spontanée
Mandibulaire
spontanée
1


1


1

2


1

2



2
8


9
F
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F
84 ans
Ostéoporose
post-
ménopausique
Ostéoporose
cortisonique
Alendronate    70 mg/semaine


Alendronate    70 mg/semaine
Per os


Per os
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Mandibulaire
post-explantation

Maxillaire
post-extraction
1


1

IV: injection par voie intra-veineuse.

1074    - La Presse Médicale



10 septembre 2005 • tome 34 • n°15





Le bilan radiologique comporte systématiquement un
orthopantomogramme (?gure 2), parfois un examen
tomodensitométrique (figure 3), une scintigraphie
osseuse (?gure 4).
Dans chaque cas, l’examen histopathologique a
confirmé le diagnostic de nécrose osseuse ; aucune
cellule tumorale n’a été observée (figure 5) lorsque
le traitement avait été prescrit pour une tumeur
maligne.
Dans tous les cas, on a réalisé une séquestrectomie
après une antibiothérapie (amoxicilline 750 mg 3xj-1
et métronidazole 250 mg 3xj-1) de 7 à 10 jours en
moyenne, temps nécessaire pour obtenir une cicatri-
sation muqueuse suffisante.

Commentaires

Les bisphosphonates, molécules utilisées depuis les
années 1970, constituent un progrès thérapeutique
important pour le traitement de la maladie de Paget18,
de l’ostéoporose6,7et des tumeurs osseuses ostéoly-
tiques8,9. Ils réduisent de façon importante (de 20 à
60 % selon les auteurs) la fréquence des manifesta-
tions liées à l’atteinte osseuse, en diminuant les dou-
leurs, les fractures pathologiques, les compressions
radiculaires ou médullaires et les épisodes d’hyper-
calcémie8. Leurs indications sont de plus en plus
vastes et on estime que 2,5 millions de patients ont
été traités par pamidronate et zolédronate depuis leur
mise sur le marché19.
La Food and Drug Administration (FDA) a donné l’au-
torisation de mise sur le marché (AMM) au pamidro-
nate en 1994, pour le zolédronate en 2001; en France,
les AMM ont été obtenues quelques mois plus tard.
Les maxillaires semblent les seules str uctures
osseuses touchées; ceci pourrait s’expliquer par une
continuité de la muqueuse de recouvrement qui met-
trait en relation l’os avec le milieu septique de la
cavité buccale.
Le développement de l’ostéonécrose survenait après
un acte chirurgical, le plus souvent une extraction
dentaire, ou de façon apparemment spontanée. Le
traitement proposé dépend de la localisation des
lésions et de leur dimension.
Aucun cas n’a été traité par oxygénothérapie hyper-
bare dont l’efficacité semble aléatoire14,16.
Les limites du séquestre sont difficiles à évaluer car
l’os “sain” périphérique apparaît très remanié et peu
vascularisé; si la séquestrectomie est insuffisante, l’ex-
position osseuse persiste ou récidive. Sauf contre-indi-
cations d’ordre général, il n’y a aucune raison de lais-
ser évoluer un foyer d’ostéonécrose.


10 septembre 2005 • tome 34 • n°15
S.Abi Najm, S. Lysitsa, J.-P. Carrel, P. Lesclous, T. Lombardi, J. Samson























Figure 1    Ostéonécrose dans la région maxillaire antérieure (cas n° 1) : exposition
osseuse qui s’est étendue progressivement après l’extraction de deux dents restantes
et ayant nécessité la réalisation d’une maxillectomie subtotale.



Tableau 1



le traitement de la nécrose aseptique de la hanche    10
,   
du syndrome Sapho4, etc. Ils contribuent à traiter les
symptômes liés à ces différentes affections et ils sont
souvent prescrits au long cours, surtout en carcino-
logie. L’ostéonécrose des maxillaires, secondaire à la
prise de bisphosphonates, est une complication
décrite récemment dans la littérature11-17.
En 12 mois, 9 cas d’ostéonécrose ont été découverts
dans la division de stomatologie, de chirurgie orale et
radiologie dento-maxillo-faciale de la Faculté de Méde-
cine de Genève.

Observations

Le premier patient (cas n°1) avait une ostéonécrose
maxillaire, secondaire à la prise de bisphosphonates.
Venu consulter pour une infection d’origine dentaire,
le tableau clinique s’est avéré atypique et l’os alvéo-
laire périradiculaire semblait nécrosé. Après extrac-
tion des 2 dents causales qui étaient les seules dents
maxillaires restantes, l’évolution n’a pas été favorable
et on a observé une exposition osseuse s’étendant


progressivement. Elle a nécessité la réalisation d’une
maxillectomie subtotale; l’examen histopathologique
a con?rmé le diagnostic d’ostéonécrose.
En 12 mois, 8 autres cas ont été observés.
Ces 9 patients étaient 3 hommes et 6 femmes dont
l’âge était compris entre 45 et 85 ans (âge moyen
73 ans) (tableau 1). Les bisphosphonates ont été
prescrits pour le traitement des affections suivantes:
myélome multiple, cancer du sein, adénocarcinome
prostatique, ostéoporose. Dans ces 9 cas, on a observé
12 foyers d’ostéonécrose dont les localisations étaient
les suivantes : 7 atteintes mandibulaires (dont une
double localisation), 3 maxillaires et 1 bimaxillaire.
Cinq foyers d’ostéonécrose sont apparus après une
extraction dentaire, 1 après ablation d’implants den-
taires et 6 spontanément.
Cliniquement, l’atteinte osseuse ressemblait plus à
une ostéoradionécrose qu’à une ostéomyélite: expo-
sition osseuse, spontanée ou provoquée, le plus sou-
vent après extraction dentaire, sans aucune tendance
à guérir spontanément car le séquestre ne se détache
pas et l’atteinte osseuse semble s’étendre (?gure 1).
Caractéristiques des 9 cas d’ostéonécrose des maxillaires
Sexe    Indication    Bisphosphonate    Posologie


Voie


Durée


Siège et étiologie


Nombre
Cas    et âge
(ans)
du traitement
prescrit
d’administration    du traitement
(mois)
de la nécrose
de foyers
1


2


3

4


5

6



7
H
67

H
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F
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H
81
Myélome
multiple

Ostéoporose
cortisonique

Carcinome
du sein
Myélome
multiple

Myélome
multiple
Cancer
du sein


Adénocarcinome
de la prostate
Pamidronate
puis
Zolédronate
Pamidronate
puis
Zolédronate
Pamidronate

Pamidronate
puis
Zolédronate
Pamidronate

Pamidronate



Zolédronate
90 mg/mois

4 mg/mois
30 mg/3mois

4 mg/mois
90 mg/mois

90 mg/mois

4 mg/mois
90 mg/mois

90 mg/mois



4 mg/mois
IV

IV
IV

IV
IV

IV

IV
IV

IV



IV
23


79


30

33


34

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25
Maxillaire
post-extraction

Mandibulaire
spontanée

Maxillaire
post-extraction
Mandibulaire
bilatérale
spontanée
Mandibulaire
post-extraction
Mandibulaire
post-extraction
Maxillaire
spontanée
Mandibulaire
spontanée
1


1


1

2


1

2



2
8


9
F
83

F
84 ans
Ostéoporose
post-
ménopausique
Ostéoporose
cortisonique
Alendronate    70 mg/semaine


Alendronate    70 mg/semaine
Per os


Per os
44


25
Mandibulaire
post-explantation

Maxillaire
post-extraction
1


1

IV: injection par voie intra-veineuse.

1074    - La Presse Médicale



10 septembre 2005 • tome 34 • n°15





Le bilan radiologique comporte systématiquement un
orthopantomogramme (?gure 2), parfois un examen
tomodensitométrique (figure 3), une scintigraphie
osseuse (?gure 4).
Dans chaque cas, l’examen histopathologique a
confirmé le diagnostic de nécrose osseuse ; aucune
cellule tumorale n’a été observée (figure 5) lorsque
le traitement avait été prescrit pour une tumeur
maligne.
Dans tous les cas, on a réalisé une séquestrectomie
après une antibiothérapie (amoxicilline 750 mg 3xj-1
et métronidazole 250 mg 3xj-1) de 7 à 10 jours en
moyenne, temps nécessaire pour obtenir une cicatri-
sation muqueuse suffisante.

Commentaires

Les bisphosphonates, molécules utilisées depuis les
années 1970, constituent un progrès thérapeutique
important pour le traitement de la maladie de Paget18,
de l’ostéoporose6,7et des tumeurs osseuses ostéoly-
tiques8,9. Ils réduisent de façon importante (de 20 à
60 % selon les auteurs) la fréquence des manifesta-
tions liées à l’atteinte osseuse, en diminuant les dou-
leurs, les fractures pathologiques, les compressions
radiculaires ou médullaires et les épisodes d’hyper-
calcémie8. Leurs indications sont de plus en plus
vastes et on estime que 2,5 millions de patients ont
été traités par pamidronate et zolédronate depuis leur
mise sur le marché19.
La Food and Drug Administration (FDA) a donné l’au-
torisation de mise sur le marché (AMM) au pamidro-
nate en 1994, pour le zolédronate en 2001; en France,
les AMM ont été obtenues quelques mois plus tard.
Les maxillaires semblent les seules str uctures
osseuses touchées; ceci pourrait s’expliquer par une
continuité de la muqueuse de recouvrement qui met-
trait en relation l’os avec le milieu septique de la
cavité buccale.
Le développement de l’ostéonécrose survenait après
un acte chirurgical, le plus souvent une extraction
dentaire, ou de façon apparemment spontanée. Le
traitement proposé dépend de la localisation des
lésions et de leur dimension.
Aucun cas n’a été traité par oxygénothérapie hyper-
bare dont l’efficacité semble aléatoire14,16.
Les limites du séquestre sont difficiles à évaluer car
l’os “sain” périphérique apparaît très remanié et peu
vascularisé; si la séquestrectomie est insuffisante, l’ex-
position osseuse persiste ou récidive. Sauf contre-indi-
cations d’ordre général, il n’y a aucune raison de lais-
ser évoluer un foyer d’ostéonécrose.


10 septembre 2005 • tome 34 • n°15
S.Abi Najm, S. Lysitsa, J.-P. Carrel, P. Lesclous, T. Lombardi, J. Samson























Figure 1    Ostéonécrose dans la région maxillaire antérieure (cas n° 1) : exposition
osseuse qui s’est étendue progressivement après l’extraction de deux dents restantes
et ayant nécessité la réalisation d’une maxillectomie subtotale.



S.Abi Najm1, S. Lysitsa1 J.-P. Carrel1, P. Lesclous2 T. Lombardi1, J. Samson1

S.Abi Najm1, S. Lysitsa1
J.-P. Carrel1, P. Lesclous2
T. Lombardi1, J. Samson1





Summary







Ostéonécrose des maxillaires chez
des patients traités par bisphosphonates





Résumé

1 - Division de
stomatologie,
chirurgie orale
et radiologie dento-
maxillo-faciale,
Faculté de Médecine,
Genève (Suisse)

2 - Faculté de
chirurgie dentaire,
Paris V,
Montrouge (91)


Correspondance :
Semaan Abi Najm,
Division de
stomatologie,
chirurgie orale et
radiologie dento-
maxillo-faciale
19, rue Barthélemy-
Menn,
1211 Genève 4
Tél.: + 41 22 382 91 64
Fax: + 41 22 382 94 99
abns77@hotmail.com


Reçu le 4 janvier
2005
Accepté le 3 juin
2005

Bisphosphonates-related jaw osteonecrosis

Introduction    The latest generations of bisphosphonates constitute
a major advance in the management of disorders including Paget’s
disease, osteoporosis, and osteolytic bone tumors. Recent reports
describe numerous cases of osteonecrosis of the jaw in patients
treated with bisphosphonates. Some of these reports mention
predisposing factors, including surgical procedures, chemotherapy,
and radiotherapy.
Cases In the past 12 months, we have observed and treated 9 cases
of maxillary osteonecrosis, which we present summarily.
Discussion    Some of our cases (3 of 9), like many of those described
in literature, do not present predisposing factors. The osteonecrosis
may thus be due mainly to the effect of bisphosphonates that, by
blocking bone remodeling, may cause excessive bone
mineralization. If this hypothesis is confirmed, these cases of
osteonecrosis may be due to excess doses. Better dose adjustment
should thus help prevent this complication.

S. Abi Najm, S. Lysitsa, J.-P. Carrel,
P. Lesclous, T. Lombardi, J. Samson
Presse Med2005; 34: 1073-7
© 2005, Masson, Paris



L    es bisphosphonates sont des analogues structu-
raux des pyrophosphates inorganiques, principa-
lement prescrits pour inhiber l’activité des ostéo-   
clastes. Selon que le radical contient ou non un atome
d’azote, on distingue 2 formes de bisphosphonates: les
bisphosphonates sans groupe amine (clodronate, éti-
dronate, tiludronate, etc.) et les aminobisphosphonates
(pamidronate, risédronate, alendronate, ibandronate,
zolédronate, etc.) qui représentent les produits de der-
nières générations1.Tous les bisphosphonates commer-
cialisés ne sont pas métabolisés.
Les aminobisphosphonates ont de multiples actions:
• après avoir adhéré à l’hydroxyapatite de la trame
osseuse minérale, ils sont absorbés sélectivement par

Introduction    Les bisphosphonates de dernières générations
constituent un progrès important dans la prise en charge de
certaines affections: maladie de Paget, ostéoporose et tumeurs
osseuses ostéolytiques. Plusieurs cas d’ostéonécrose des maxillaires
viennent d’être rapportés chez des patients sous bisphosphonates.
Des facteurs favorisants ont été évoqués: intervention chirurgicale,
chimiothérapie, radiothérapie, etc.
Observations En 12 mois, 9 cas d’ostéonécrose des maxillaires ont
été observés et traités; ils sont présentés de façon synoptique.
Discussion    Comme dans la littérature, dans plusieurs des cas
rapportés (3 sur 9), on ne trouve aucun facteur favorisant. On peut
donc se demander si l’ostéonécrose ne serait pas principalement
due à l’effet des bisphosphonates qui, en bloquant le remodelage
osseux, entraînerait une minéralisation excessive de l’os. Si cette
hypothèse se con?rmait, l’ostéonécrose résulterait d’un surdosage
et une meilleure adaptation de la posologie devrait permettre
d’éviter cette complication.








les ostéoclastes, ce qui aurait pour effet d’induire leur
apoptose2;
• ils ont une action anti-tumorale propre3;
• ils ont une action anti-in?ammatoire en inhibant
certaines cytokines4;
• ils ont une action anti-angiogénique5.
En 3 décennies, les indications des bisphosphonates
se sont progressivement élargies: après avoir été ini-
tialement utilisés dans la maladie osseuse de Paget, ils
sont actuellement prescrits pour le traitement et la
prévention de l’ostéoporose6,7, pour le traitement de
l’hypercalcémie maligne et des tumeurs osseuses
d’origine hématologique ou métastatique8,9qui s’ac-
compagnent d’une ostéolyse, et plus récemment pour


10 septembre 2005 • tome 34 • n°15


La Presse Médicale -  1073
C A S    C L I N I Q U E
Ostéonécrose des maxillaires chez des patients traités
par bisphosphonates



Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac.

Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac.

la correction de la mobilité oculaire [7]. Vu la gravité de la
symptomatologie clinique de notre patient, un traitement
à base de corticoïdes par voie systémique à la dose de
1 gr/jour a été instauré mais sans aucune amélioration
significative. Devant la persistance de l’œdème papillaire
et la diminution progressive de l’acuité visuelle, un traite-
ment chirurgical a été programmé. Une décompression
orbitaire osseuse bilatérale par voie cutanée avec effon-
drement du plancher orbitaire ainsi que du mur latéro-
interne, associée à une lipectomie a été réalisée. Une
amélioration rapide et très satisfaisante des symptômes a
été observée dans les jours suivants. Le patient a bénéficié
en outre d’une rééquilibration de son traitement thyroï-
dien. Habituellement, à long terme, la tendance se fait
vers une réduction et une stabilisation des manifestations
cliniques orbitaires [1].

REFERENCES
1. Adenis JP, Lasudry J. Orbitopathie dysthyroïdienne. In: Patholo-
gie orbito-palpébrale. Masson, Paris;1998:455-80.
2. Bartley GB, Fatourechi V, Kadrmas EF, et al. Long term follow up
of Graves’ophtalmopathy in an incidence cohort. Ophtalmology,
1996;103:952-62.
3. Krastinova D. Rodallec A. Orbitopathie Basedowienne. Ann Chir
Plast Esth, 1985;30:351-8.
4. Rougier J, Tessier P, Hervouet F, et al. L’expansion de la cavité
orbitaire. In: Chirurgie plastique orbito-palpébrale. Masson,
Paris ; 1977 :179-89.
5. Gorman CA. Radiotherapy for Graves orbitopathy: results at one
year. Thyroid, 2002;12:251-5.
6. Kazim M, Trokel S, Moore S. Treatment of acute Graves orbitop-
athy. Ophtalmology, 1991;98:1443-8.
7. Trokel S, Kazim M, Moore S. Orbital fat removal. Decompression
for Graves orbitopathy. Ophtalmology, 1993;100:674-82.
Presse Med 2005; 34: 1073-7
© 2005, Masson, Paris
C A S    C L I N I Q U E

404 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2008;109:403-404

404

Rev Stomatol Chir Maxillofac 2008;109:403-404




dans la cate´gorie des « ne´oplasies et autres tumeurs en lien
avec l’appareil odontoge´nique » [4], puis dans le groupe des
« ne´oplasies et autres tumeurs en lien avec l’os »    [5]. La
dernie`re classi?cation de l’OMS la range dans le groupe des
« dysplasies osseuses » et lui attribue une origine ligamen-
taire [6].
Dans le cas pre´sente´ ici, l’espace ligamentaire pe´riodontal
des dents affecte´es e´tait pre´serve´ sur tout le pe´rime`tre
radiculaire    (?g. 1), ce qui serait en faveur d’une origine
me´dullaire. Il existe en effet des tumeurs extramaxillaires
pouvant produire du ce´ment [7]. La formation de ce´ment par
l’os me´dullaire pe´riapical n’est pas de´montre´e et la persis-
tance de l’espace ligamentaire pe´riodontal peut eˆtre le
re´sultat d’une migration des ce´mentoblastes vers l’os via
les canaux de Volkmann [2] ou la conse´quence de troubles de
la diffe´rentiation entre oste´o- et ce´mentoblastes.
La production de ce´ment par l’os me´dullaire serait un cas
inte´ressant d’anomalie de signalisation entre oste´oblastes et
ce´mentoblastes. L’e´lucidation des me´canismes a` l’origine de
la DCO permettrait de mieux comprendre l’activite´ physio-
logique du ligament pe´riodontal et ses interactions avec les
structures environnantes.

Re´fe´rences

1.    MacDonald-Jankowski DS. Fibro-osseous lesions of the face and
jaws. Clin Radiol 2004;59:11–25.
2.    Kawai T, Hiranuma H, Kishino M, Jikko A, Sakuda M. Cemento-
osseous dysplasia of the jaws in 54 Japanese patients. Oral Surg
Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1999;87:107–14.
3.    Summerlin DJ, Tomich CE. Focal cemento-osseous dysplasia: a
clinicopathological study of 221 cases. Oral Surg Oral Med Oral
Pathol Oral Radiol Endod 1994;78:611–20.
4.    Pindborg JJ, Kramer IRH, Torloni H. Histological typing of odon-
togenic tumors, jaws cysts and allied lesions. Geneva: WHO;
1971.
5.    Kramer IRH, Pindborg JJ, Shear M. Histological typing of odon-
togenic tumors, 2nd ed., Berlin: Springer Verlag; 1992. pp. 28–31.
6.    Slootweg PJ, Osseous dysplasias, In Barnes L, Eveson JW, Reich-
art P, Sidransky D, editors. World Health Organization classi?-
cation of tumors; pathology and genetics of head and neck
tumours. Lyon: IARC Press; 2005. 323.
7.    Friedman NB, Goldman RL. Cementoma of long bones. An
extragnathic odontogenic tumor. Clin Orthop Relat Res
1969;67:243–8.
Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2005; 106, 2, 117-118
© Masson, Paris, 2005.
IMAGES


Orbitopathie endocrinienne d’origine thyroïdienne
I. Loeb, S. Medin Rey
Service de Stomatologie et Chirurgie maxillo-faciale (Prof. J. Van Reck), CHU Saint-Pierre, Bruxelles, Belgique.



CAS CLINIQUE
Un patient âgé de 49 ans est admis en urgence pour dys-
pnée majeure. A l’examen clinique on observe une
exophtalmie bilatérale importante entravant l’occlusion
palpébrale (figs. 1 et 2). Dans les antécédents on note :
une cardiomyopathie ischémique, une BPCO tabagique,
une hernie hiatale, une kératite herpétique avec ulcère
cornéen, et une hyperthyroïdie diagnostiquée 5 mois plus
tôt et traitée par Strumazol®, 10 mg, 4x/jour.

Quel est votre traitement ?



















Figure 1 : Aspect clinique de la face.
















Figure 3 : Scanner en coupe coronale montrant l’hypertrophie majeure
des muscles droit inférieur, droit interne et droit supérieur, ainsi qu’une
légère hypertrophie de la graisse orbitaire.



La biologie à l’admission fait apparaître une hypothyroï-
die sévère (TSH : 67 µU/ml).
Le scanner montre une hypertrophie de l’ensemble des
muscles oculo-moteurs avec infiltration de la graisse
orbitaire  (figs. 3 et 4). Malgré l’instauration d’un traite-
ment visant à corriger l’hypothyroïdie, le patient déve-
loppe un œdème papillaire en aggravation rapide avec
perte de l’acuité visuelle ainsi qu’une augmentation de
l’exophtalmie.






















Figure 2 : Aspect clinique de profil.
















Figure 4 : Scanner en coupe axiale.

























117




































118


I. Loeb, S. Medin Rey

REPONSE

Ce patient présente une orbitopathie endocrinienne d’ori-
gine thyroïdienne.
Ces orbitopathies sont associées à un dysfonctionne-
ment hormonal et à des perturbations auto-immunitaires
thyroïdiennes. Elles accompagnent habituellement une
hyperthyroïdie mais se rencontrent également en cas
d’hypo- voir même d’euthyroïdie [1, 2].
La survenue éventuelle d’une hypothyroïdie peut être
un facteur aggravant majeur de l’orbitopathie, illustrée
dans le cas clinique. L’orbitopathie évolue au cours du
temps selon un mode « exacerbation/rémission » qui ne
semble pas influencé par le traitement médicamenteux de
l’atteinte thyroïdienne.
Classiquement, le traitement de l’orbitopathie endocri-
nienne comporte un volet médical et un volet chirurgical
[3, 4]. Le volet radiothérapique est quant à lui très contro-
versé dans de récentes études [5]. Le traitement médical
consiste en l’administration par voie systémique de corti-
coïdes pendant une durée de 30 à 60 jours, qui apporte le
plus souvent une amélioration significative des symptô-
mes.
L’examen ophtalmologique détermine quant à lui
l’urgence éventuelle d’un acte chirurgical ; compression
du nerf optique au cours d’une phase inflammatoire
aiguë, ulcération cornéenne secondaire à l’exophtalmie…
[6]. Le plus habituellement le traitement chirurgical inter-
vient au cours de la période stable de l’orbitopathie et vise
à corriger les complications cicatricielles fibreuses. Une
première étape consiste en une décompression orbitaire
osseuse qui corrige l’exophtalmie, l’étape suivante permet

Figure 3. Lésion blanche de la muqueuse buccale

Figure 3.
Lésion blanche de la muqueuse buccale

L’évolution est chronique sans transformation en car-
cinome. Aucun traitement n’est habituellement indiqué,
mais devant le caractère malodorant et l’augmentation de
l’épaisseur de certaines plaques, divers traitements ont été
proposés avec un effet suspensif. Les tétracyclines en bains
de bouche    [9,10] ou par voie générale [9] ont prouvé leur
ef?cacité dans quelques cas au moment des poussés comme
chez notre patiente.
Devant une lésion blanche de la cavité buccale, l’examen
histologique reste un moyen capital pour éliminer une lésion
précancéreuse et poser le diagnostic positif.


Références

[1] Fontes V, Vaillant L. Hamartome spongieux muqueux. Ann Der-
matol Venereol 2002;129:1069—70.
[2] Rugg E, Magee G, Wilson N, Brandrup F, Hamburger J, Lane E.
Identi?cation of two novel mutations in keratin 13 as the cause
of white sponge naevus. Oral Dis 1999;5:321—4.
[3] Terrinoni A, Candi E, Oddi S, Gobello T, Camaione DB, Mazzanti
C, et al. A glutamine insertion in the 1A alpha helical domain
455

of the keratin 4 gene in a familial case of white sponge naevus.
J Invest Dermatol 2000;114:388—91.
[4] Richard G, De Laurenzi V, Didona B, Bale SJ, Compton JG.
Keratin 13 point mutation underlies the hereditary muco-
sal epithelial disorder white sponge naevus. Nat Genet
1995;11:453—5.
[5] Lucchese A, Favia G. White sponge naevus with minimal clinical
and histological changes: report of three cases. J Oral Pathol
Med 2006;35:317—9.
[6] Buchholz F, Schubert C, Lehmann-Willenbrock E. White sponge
naevus of the vulva. Int J Gynaecol Obst 1985;23:505—7.
[7] Morris R, Gansler TS, Rudisill MJ, Neville B. White sponge nae-
vus. Diagnosis by light microscopy and ultrastructural cytology.
Acta Cytol 1988;32:357—61.
[8] Vaillant L, Huttenberger B. Diagnostic d’une lésion blanche
de la cavité buccale. Ann Dermatol Venereol 2002;129:
294—6.
[9] Beaulieu P, Le Guyadec T, Boutchnei S, Gros P, Grossetête
G, Millet P. Intérêt des cyclines dans l’hamartome spongieux
muqueux. Ann Dermatol Venereol 1992;119:933—5.
[10] Otobe IF, de Sousa SO, Matthews RW, Migliari DA. White sponge
naevus: Improvement with tetracycline mouth rinse: Report of
four cases. Clin Exp Dermatol 2007;32:749—51.












Rec¸u le :
1 juillet 2008
Accepte´ le :
24 septembre 2008
Disponible en ligne
12 novembre 2008












Le´sions pe´ri-apicales multiples en cible

Multiple target-shaped periapical lesions

R.H. Khonsari1*, P. Corre1, J. Bouguila12, M. Gayet-Delacroix3, B. Piot1


Images

Disponible en ligne sur


www.sciencedirect.com
1 Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, centre hospitalier universitaire,
1, place Alexis-Ricordeau, 44000 Nantes, France
2 Service de radiologie, centre hospitalier universitaire, 1, place Alexis-Ricordeau,
44000 Nantes, France
3 Service de radiologie, centre hospitalier re´gional universitaire, 44000 Nantes, France




U    ne femme caucasienne, de 41 ans, consulte en
chirurgie maxillofaciale sur les conseils de son
dentiste. Elle pre´sente un bombement vestibu-   



examens biologiques standards sont normaux, y compris
les taux sanguins de phosphore et de calcium. Une biopsie
sous anesthe´sie locale de la re´gion vestibulaire tume´?e´e
laire ferme et indolore en regard des dents 46–47, de
de´couverte fortuite lors d’une consultation de soins.
Les examens radiologiques montrent de tre`s nombreuses
masses pe´ri-apicales en cible cerne´es d’un haloradiotrans-
parent. Aucune mobilite´ dentaire n’est retrouve´e. Il
n’existe pas d’hypoesthe´sie dans le territoire du V3. Les
pose le diagnostic de le´sion ?bro-osseuse sans plus de
pre´cision. La tomodensitome´trie montre des le´sions
mandibulaires    pe´ri-apicales    multiples    pre´dominant
dans les territoires molaires, avec une pre´servation de
l’espace clair ligamentaire sur tout le pe´rime`tre radiculaire
(?g. 1).





















Figure 1. A Tomodensitome´trie avec reconstruction tridimensionnelle des maxillaires. Les le´sions pre´dominent dans les territoires molaires. Le maxillaire
supe´rieur est e´pargne´. B, C. Les re´gions molaires mandibulaires droites et gauches portent des le´sions en cible avec halos pathognomoniques.
D. Tomodensitome´trie de la dent 46, montrant la persistance de l’espace pe´riodontal. Aucun contact direct entre la tumeur et l’apex n’est observe´ sur tout
le pe´rime`tre radiculaire. E. Tomodensitome´trie tridimensionnelle de la mandibule montrant des le´sions en capuchon des apex molaires.




* Auteur correspondant.
e-mail : bwv_1029@yahoo.fr


0035-1768/$ - see front matter ? 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
10.1016/j.stomax.2008.09.005    Rev Stomatol Chir Maxillofac 2008;109:403-404



Quel est votre diagnostic ?


403

R.H. Khonsari et al.




Re´ponse

Les donne´es cliniques, histologiques et radiologiques ame`-
nent a` proposer le diagnostic de dysplasie osseuse, de type
dysplasie ce´mento-ossi?ante (DCO). Un suivi clinique exclu-
sif est de´cide´.
Les le´sions ?bro-osseuses des maxillaires regroupent la dys-
plasie ?breuse, les ?bromes ossi?ants (anciennement appe-
le´s ?bromes ce´mento-ossi?ants) et les dysplasies osseuses
(ICD-O : 9272/0), dont fait partie la DCO ?oride.
Le diagnostic diffe´rentiel entre la DCO et le ?brome ossi?ant
(ICD-O : 9262/0, 9274/0) est parfois dif?cile. Dans notre cas,
les donne´es histologiques n’e´taient pas contributives [1] et
des arguments diagnostiques plus solides e´taient fournis par
la clinique – la DCO touche d’abord les femmes d’aˆge muˆr –
et surtout par l’aspect radiologique. En effet, la pre´sentation
radiologique de notre cas – des le´sions pe´ri-apicales multi-
ples en cible ou coalescentes, entoure´es d’un halo
radiotransparent – est pathognomonique de DCO et est
retrouve´e dans 35 % des cas de cette affection [2]. Cepen-
dant, l’origine caucasienne de la patiente est atypique, la
pathologie touchant pre´fe´rentiellement les patientes origi-
naires d’Afrique noire.
L’origine de la DCO fait de´bat. Certains auteurs af?rment
qu’elle est issue d’une activite´ anormale du ligament pe´rio-
dontal [3], comme en te´moigne sa localisation quasi exclu-
sive en zone dente´e [2]. Cependant, la pre´sence de le´sions de
DCO dans des segments e´dente´s de la mandibule est attes-
te´e [2]. Cette donne´e permet uniquement d’af?rmer que la
DCO persiste apre`s la perte de la dent qui lui e´tait associe´e.
Il est inte´ressant de noter que l’adhe´rence entre la tumeur et
l’apex doit en conse´quence eˆtre faible.
Kawai et al. [2] de´?nissent six pre´sentations radiologiques
selon, entre autres crite`res, la conservation de l’espace clair
ligamentaire. Lorsque la le´sion est en continuite´ avec l’apex,
ces auteurs l’attribuent a` une activite´ ligamentaire. En
revanche, s’il existe un halo entre la tumeur et l’apex, Kawai
et al. [2] avancent que l’os me´dullaire serait implique´ dans la
gene`se de la pathologie.
Les classi?cations successives de l’OMS consacre´es aux
tumeurs de la teˆte et du cou rangent initialement la DCO

Figure 3. Lésion blanche de la muqueuse buccale

Figure 3.
Lésion blanche de la muqueuse buccale

L’évolution est chronique sans transformation en car-
cinome. Aucun traitement n’est habituellement indiqué,
mais devant le caractère malodorant et l’augmentation de
l’épaisseur de certaines plaques, divers traitements ont été
proposés avec un effet suspensif. Les tétracyclines en bains
de bouche    [9,10] ou par voie générale [9] ont prouvé leur
ef?cacité dans quelques cas au moment des poussés comme
chez notre patiente.
Devant une lésion blanche de la cavité buccale, l’examen
histologique reste un moyen capital pour éliminer une lésion
précancéreuse et poser le diagnostic positif.


Références

[1] Fontes V, Vaillant L. Hamartome spongieux muqueux. Ann Der-
matol Venereol 2002;129:1069—70.
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of white sponge naevus. Oral Dis 1999;5:321—4.
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C, et al. A glutamine insertion in the 1A alpha helical domain
455

of the keratin 4 gene in a familial case of white sponge naevus.
J Invest Dermatol 2000;114:388—91.
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Keratin 13 point mutation underlies the hereditary muco-
sal epithelial disorder white sponge naevus. Nat Genet
1995;11:453—5.
[5] Lucchese A, Favia G. White sponge naevus with minimal clinical
and histological changes: report of three cases. J Oral Pathol
Med 2006;35:317—9.
[6] Buchholz F, Schubert C, Lehmann-Willenbrock E. White sponge
naevus of the vulva. Int J Gynaecol Obst 1985;23:505—7.
[7] Morris R, Gansler TS, Rudisill MJ, Neville B. White sponge nae-
vus. Diagnosis by light microscopy and ultrastructural cytology.
Acta Cytol 1988;32:357—61.
[8] Vaillant L, Huttenberger B. Diagnostic d’une lésion blanche
de la cavité buccale. Ann Dermatol Venereol 2002;129:
294—6.
[9] Beaulieu P, Le Guyadec T, Boutchnei S, Gros P, Grossetête
G, Millet P. Intérêt des cyclines dans l’hamartome spongieux
muqueux. Ann Dermatol Venereol 1992;119:933—5.
[10] Otobe IF, de Sousa SO, Matthews RW, Migliari DA. White sponge
naevus: Improvement with tetracycline mouth rinse: Report of
four cases. Clin Exp Dermatol 2007;32:749—51.












Rec¸u le :
1 juillet 2008
Accepte´ le :
24 septembre 2008
Disponible en ligne
12 novembre 2008












Le´sions pe´ri-apicales multiples en cible

Multiple target-shaped periapical lesions

R.H. Khonsari1*, P. Corre1, J. Bouguila12, M. Gayet-Delacroix3, B. Piot1


Images

Disponible en ligne sur


www.sciencedirect.com
1 Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, centre hospitalier universitaire,
1, place Alexis-Ricordeau, 44000 Nantes, France
2 Service de radiologie, centre hospitalier universitaire, 1, place Alexis-Ricordeau,
44000 Nantes, France
3 Service de radiologie, centre hospitalier re´gional universitaire, 44000 Nantes, France




U    ne femme caucasienne, de 41 ans, consulte en
chirurgie maxillofaciale sur les conseils de son
dentiste. Elle pre´sente un bombement vestibu-   



examens biologiques standards sont normaux, y compris
les taux sanguins de phosphore et de calcium. Une biopsie
sous anesthe´sie locale de la re´gion vestibulaire tume´?e´e
laire ferme et indolore en regard des dents 46–47, de
de´couverte fortuite lors d’une consultation de soins.
Les examens radiologiques montrent de tre`s nombreuses
masses pe´ri-apicales en cible cerne´es d’un haloradiotrans-
parent. Aucune mobilite´ dentaire n’est retrouve´e. Il
n’existe pas d’hypoesthe´sie dans le territoire du V3. Les
pose le diagnostic de le´sion ?bro-osseuse sans plus de
pre´cision. La tomodensitome´trie montre des le´sions
mandibulaires    pe´ri-apicales    multiples    pre´dominant
dans les territoires molaires, avec une pre´servation de
l’espace clair ligamentaire sur tout le pe´rime`tre radiculaire
(?g. 1).





















Figure 1. A Tomodensitome´trie avec reconstruction tridimensionnelle des maxillaires. Les le´sions pre´dominent dans les territoires molaires. Le maxillaire
supe´rieur est e´pargne´. B, C. Les re´gions molaires mandibulaires droites et gauches portent des le´sions en cible avec halos pathognomoniques.
D. Tomodensitome´trie de la dent 46, montrant la persistance de l’espace pe´riodontal. Aucun contact direct entre la tumeur et l’apex n’est observe´ sur tout
le pe´rime`tre radiculaire. E. Tomodensitome´trie tridimensionnelle de la mandibule montrant des le´sions en capuchon des apex molaires.




* Auteur correspondant.
e-mail : bwv_1029@yahoo.fr


0035-1768/$ - see front matter ? 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
10.1016/j.stomax.2008.09.005    Rev Stomatol Chir Maxillofac 2008;109:403-404



Quel est votre diagnostic ?


403

R.H. Khonsari et al.




Re´ponse

Les donne´es cliniques, histologiques et radiologiques ame`-
nent a` proposer le diagnostic de dysplasie osseuse, de type
dysplasie ce´mento-ossi?ante (DCO). Un suivi clinique exclu-
sif est de´cide´.
Les le´sions ?bro-osseuses des maxillaires regroupent la dys-
plasie ?breuse, les ?bromes ossi?ants (anciennement appe-
le´s ?bromes ce´mento-ossi?ants) et les dysplasies osseuses
(ICD-O : 9272/0), dont fait partie la DCO ?oride.
Le diagnostic diffe´rentiel entre la DCO et le ?brome ossi?ant
(ICD-O : 9262/0, 9274/0) est parfois dif?cile. Dans notre cas,
les donne´es histologiques n’e´taient pas contributives [1] et
des arguments diagnostiques plus solides e´taient fournis par
la clinique – la DCO touche d’abord les femmes d’aˆge muˆr –
et surtout par l’aspect radiologique. En effet, la pre´sentation
radiologique de notre cas – des le´sions pe´ri-apicales multi-
ples en cible ou coalescentes, entoure´es d’un halo
radiotransparent – est pathognomonique de DCO et est
retrouve´e dans 35 % des cas de cette affection [2]. Cepen-
dant, l’origine caucasienne de la patiente est atypique, la
pathologie touchant pre´fe´rentiellement les patientes origi-
naires d’Afrique noire.
L’origine de la DCO fait de´bat. Certains auteurs af?rment
qu’elle est issue d’une activite´ anormale du ligament pe´rio-
dontal [3], comme en te´moigne sa localisation quasi exclu-
sive en zone dente´e [2]. Cependant, la pre´sence de le´sions de
DCO dans des segments e´dente´s de la mandibule est attes-
te´e [2]. Cette donne´e permet uniquement d’af?rmer que la
DCO persiste apre`s la perte de la dent qui lui e´tait associe´e.
Il est inte´ressant de noter que l’adhe´rence entre la tumeur et
l’apex doit en conse´quence eˆtre faible.
Kawai et al. [2] de´?nissent six pre´sentations radiologiques
selon, entre autres crite`res, la conservation de l’espace clair
ligamentaire. Lorsque la le´sion est en continuite´ avec l’apex,
ces auteurs l’attribuent a` une activite´ ligamentaire. En
revanche, s’il existe un halo entre la tumeur et l’apex, Kawai
et al. [2] avancent que l’os me´dullaire serait implique´ dans la
gene`se de la pathologie.
Les classi?cations successives de l’OMS consacre´es aux
tumeurs de la teˆte et du cou rangent initialement la DCO

Figure 2. Epithelium acanthosique, papillomateux, avec dyské- ratose. S. Trojjet et al.

Figure 2.    Epithelium acanthosique, papillomateux, avec dyské-
ratose.
S. Trojjet et al.

par un œdème marqué intra- et intercellulaire (Fig. 2).
L’immuno?uorescence directe était négative.
La patiente a été traitée par cyclines par voie orale avec
une évolution partiellement favorable au bout de six mois
de traitement (Fig. 3).
Le    white sponge naevus    est une dyskératose congéni-
tale bénigne rare, autosomique dominante à pénétrance
et expressivité variable    [1]. Il n’y a pas de prédilection
de sexe ni d’ethnie. Elle est causée par les mutations des
gènes exprimant les kératines suprabasales K4 et K13 [2—4].
Quelques cas sporadiques ont été décrits, comme c’est le
cas de notre patiente qui ne rapportait pas de cas familiaux.
Aucun facteur étiologique n’est retrouvé dans ce tableau
(ni traumatique, ni tabagique, ni infectieux). Les poussées
pourraient être déclenchées par la surinfection bactérienne
[5].
La lésion apparaît dès la naissance ou la première
enfance et augmente progressivement de taille jusqu’à
l’adolescence. Notre patiente rapporte une évolution lente,
depuis l’âge de 38 ans. Un début plus précoce est probable
mais méconnu par la patiente.
L’atteinte est souvent diffuse avec des plaques blanches,
à surface irrégulière, de consistance molle [1]. L’épaisseur
et la taille des plaques sont variables d’un sujet à l’autre et
peuvent varier dans le temps chez le même individu. Elles
siègent de préférence sur les muqueuses jugales, la langue,
les vestibules, le palais et le plancher buccal. Les autres
muqueuses (nasale, anale et vaginale) peuvent être affectée
s [1,6]. Il n’y a pas d’atteinte cutanée [1,7].
L’histologie reste un élément clé du diagnostic [7,8]. Elle
montre un épaississement de l’épithélium, une spongiose du
stratum spinosum, un défaut de kératinisation en surface et
une parakératose dans les couches les plus profondes. La
microscopie électronique est contributive dans les cas dou-
teux, montrant une répartition inégale des tono?laments
dans le cytoplasme des kératinocytes [1,7].
Les autres dyskératoses congénitales comme la pachy-
onychie    congénitale    (syndrome    de    Jadassohn-
Lewandowski),    la    dyskératose    congénitale    (syndrome
de Zinsser-Cole-Engman), la maladie de Darier peuvent
poser un problème de diagnostic différentiel [8].








F i g u r e 2 Clichés mandibulaires de profil

F i g u r e 2
Clichés mandibulaires de profil



























A



























B
Résorption de l’angle et de la branche montante de la mandibule de la patiente 1 (A) et de la patiente 2 (B) (flèches).



3 ans. Plusieurs dents étaient mobiles en rapport avec l’élargis-
sement du ligament alvéolo-dentaire. La recherche d’anticorps
anti-Scl 70 était positive. Les radiographies de la mandibule trou-
vaient une résorption osseuse marquée des deux angles man-
dibulaires et des lésions d’arthrose de l’articulation temporo-
mandibulaire. La patiente est décédée après six mois dans un
contexte de décompensation cardiaque globale.

Discussion
Nous rapportons deux observations de ScS diffuse sévère avec
résorption mandibulaire bilatérale.
La ScS est à l’origine d’une diminution de la survie et d’une inca-
pacité fonctionnelle marquée. Au cours de cette affection, l’at-
teinte du visage est fréquente et peut être responsable d’une
gène esthétique et fonctionnelle. Parmi les différents facteurs
qui y contribuent, existent les lésions de sclérose cutanée,
l’amincissement ou l’effacement des lèvres, les télangiectasies,
la diminution de l’ouverture buccale, et plus rarement des phé-
nomènes de résorption de la mandibule.
Depuis la première description par Taveras en 1959 [4], à notre
connaissance, 57 cas de résorption mandibulaire ont été rap-
portés au cours de la ScS [5]. Dans les études disponibles il n’y
a pas de relation établie entre la résorption mandibulaire et le


tome 35 > n° 4 > avril 2006 > cahier 1



type de ScS, l’existence d’une atteinte viscérale, la durée d’évo-
lution de la maladie ou la survenue de lésions de résorption
osseuse dans d’autres territoires [6-9].
Les patients ayant des résorptions mandibulaires ont le plus sou-
vent des lésions de sclérose cutanée marquées au niveau du
visage et une limitation de l’ouverture buccale [6, 10]. Wood et
Lee [10] ont mis en évidence une corrélation positive entre
l’existence d’un amincissement de la membrane péri-odontale
et la survenue d’une résorption mandibulaire. Cependant,
d’autres études ont rapporté des résultats contradictoires sur ce
point [6, 8]. Il n’y a pas d’éléments prédictif de la survenue
d’une résorption mandibulaire au cours de la ScS. Il semble
cependant que la sévérité de l’atteinte cutanée et l’amincisse-
ment de la membrane péri-odontale soient souvent retrouvés
en présence d’une résorption mandibulaire, comme chez
nos 2 patientes.
La physiopathologie de la résorption mandibulaire est incertaine.
Elle pourrait être la conséquence de lésions d’ostéonécrose
résultant d’une compression des vaisseaux par la peau scléreuse
et inextensible et/ou d’anomalies microvasculaires des muscles
s’insérant sur la mandibule [11]. La responsabilité potentielle de
la corticothérapie, prescrite à faible dose au long cours chez nos
deux patientes doit être discutée. Seule la patiente 2 avait reçu
une corticothérapie à forte dose (1 mg/kg/j) plusieurs années
 613 Cas clinique © DR
Charles P, Berezné A, Guillevin L, Mouthon L


auparavant. Jusqu’à présent, la corticothérapie n’a cependant
pas été incriminée dans la survenue de phénomènes de résorp-
tion mandibulaire.
Les lésions de résorption osseuse intéressent le plus souvent
l’angle mandibulaire, les condyles ou l’apophyse coronoïde et
plus rarement le bord postérieur de la branche montante [5]. La
fréquence de la résorption mandibulaire est probablement sous
estimée: ainsi, les analyses radiographiques systématiques de
petites séries trouvent une prévalence de 9,5 % à 33 % [6-10,
12]. Le dépistage radiologique systématique de telles lésions
chez les patients sclérodermiques n’ayant pas de douleur de l’ar-
ticulation temporo-mandibulaire ou de trouble de l’articulé den-
taire est cependant probablement inutile, n’entraînant pas de
conséquence pratique.
Ainsi, la résorption de l’angle mandibulaire entraîne avant
tout, un retentissement esthétique avec apparition d’une
dépression à l’endroit du relief de l’angle mandibulaire



Références




comme dans le cas de nos deux patientes. La résorption
condylienne peut conduire à la survenue d’une asymétrie de
l’ouverture buccale, d’un trouble de l’articulé dentaire, de dou-
leurs et de craquements lors de la mobilisation de l’articula-
tion temporo-mandibulaire [11]. La résorption de l’angle man-
dibulaire peut, plus rarement, entraîner une névralgie du
trijumeau [13].
A notre connaissance, aucune prise en charge chirurgicale à
visée esthétique des résorptions de l’angle mandibulaire n’a été
proposée. En revanche, un traitement chirurgical de lésions
condyliennes peut être indiqué, permettant d’améliorer l’arti-
culé dentaire [5, 14]. Cependant, il est possible d’observer des
récidives après chirurgie [15].
La résorption mandibulaire au cours de la sclérodermie n’est pas
exceptionnelle et peut être invalidante aux plans fonctionnel et
esthétique. Cette atteinte n’est pas corrélée à la sévérité, la
forme ou la durée de la maladie.

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tome 35 > n° 4 > avril 2006 > cahier 1
 614Annales de dermatologie et de vénéréologie (2009) 136, 453—455










CAS POUR DIAGNOSTIC
Lésion blanche de la muqueuse buccale

White plaque of oral mucosa

S. Trojjeta, I. Zaraaa,?, I. Chellyb, H. Zribia,
M. Moknia, M. Zitounab, A. Ben Osmana


a Service de dermatologie, hôpital La Rabta, Jabbari, Baab Saadoun, 1007 Tunis, Tunisie
b Service d’anatomie pathologique, hôpital La Rabta, Tunis, Tunisie

Rec¸u le 15 juillet 2008 ; accepté le 12 septembre 2008
Disponible sur Internet le 16 avril 2009


Observation du cas

Une femme âgée de 68 ans était suivie en stomatologie
depuis plus de 35 ans pour lésions gingivales chroniques. Plu-
sieurs extractions dentaires avaient été alors pratiquées.
L’anamnèse retrouvait la notion de lésions gingivales blan-
châtres lentement extensives, occasionnant une gêne à
l’alimentation, pour lesquelles elle avait rec¸u des trai-
tements symptomatiques sans aucune amélioration. La
patiente ne présentait pas d’antécédents pathologiques
notables, en particulier il n’y avait pas de notion de taba-
gisme.
L’examen de la cavité buccale relevait des lésions
Figure 1.
blanchâtres verruqueuses, con?uant en plaques à bords irré-
guliers, atteignant de fac¸on diffuse la région antérieure de
la gencive inférieure et la face interne de la lèvre inférieure
jusqu’aux prémolaires (Fig. 1). Il n’y avait pas d’in?ltration.
La langue et le palais étaient indemnes de toute lésion. Le
reste de l’examen cutanéo-muqueux était normal, en parti-
culier il n’y avait pas d’adénopathies cervicales.







?    Auteur correspondant.
Adresse e-mail : inesrania@myway.com (I. Zaraa).

0151-9638/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.annder.2008.09.027




Quelles sont vos hypothèses
diagnostiques?
454

Hypothèses du comité de rédaction

Les hypothèses du comité de rédaction ont été :
•    un hamartome spongieux muqueux (white sponge nae-
vus) ;
•    une leucokératose acquise traumatique ;
•    un lichen plan.

Commentaires

Notre patiente présente des lésions buccales chroniques,
résistantes à tous les traitements proposés. L’examen
retrouvait des plaques blanches à surface irrégulière de la
muqueuse gingivale et du versant muqueux de la lèvre infé-
rieure.
Devant ce tableau clinique, les principaux diagnostics à
évoquer sont les leucokératoses acquises, comme les candi-
doses, le lichen plan et les leucoplasies. Mais il n’y avait dans
cette observation aucun argument clinique ou paraclinique
permettant de retenir ces hypothèses.
L’interrogatoire ne retrouvait pas de notion de taba-
gisme ou de dé?cit immunitaire acquis ou congénital et la
patiente rapportait l’échec de multiples traitements anti-
fongiques locaux et systémiques correctement conduits. Par
ailleurs, le grattage avec l’abaisse langue permettait de
détacher dif?cilement des grands lambeaux laissant appa-
raître une muqueuse saine non érosive, pouvant éliminer une
lésion pseudomembraneuse (celle-ci se détache facilement
et laisse découvrir une érosion) et une leucokératose (qui ne
disparaît pas au grattage). L’examen clinique ne retrouvait
pas d’autres lésions cutanéomuqueuses. Les prélèvements
mycologiques étaient négatifs.
Bien qu’il s’agisse d’une patiente de 68 ans, on peut
également évoquer devant ce tableau les dyskératoses
congénitales et le diagnostic d’hamartome muqueux spon-
gieux (white sponge naevus) a été retenu, devant l’aspect
histologique, montrant une muqueuse buccale revêtue par
un épithélium malpighien acanthosique, papillomateux,
hyperkératosique avec des images de dyskératose mono-
cellulaire. Les cellules du corps muqueux étaient clari?ées